Née d’une collaboration entre l’écrivaine veveysanne Xochitl Borel et le peintre aiglon Thierry Droz, cette exposition confronte l’être humain à son frère végétal.
Inspiré par les poèmes de Xochitl Borel contenus dans le recueil « Trognes », où l’auteure joue de la métaphore de la trogne, cet arbre taillé de façon à ce qu’il forme une tou­ffe au-dessus du tronc, Thierry Droz laisse libre cours à son art pictural pour faire surgir ici l’œil noueux d’un tronc, là la chevelure d’un chêne, ailleurs la veine boisée où filtre la sève.

Au cours de ses promenades dans les forêts chablaisiennes, Xochitl Borel a développé un goût prononcé pour les « visages végétaux », qu’elle rencontre régulièrement sur son chemin. Ces « têtes d’arbres » qui l’ont interpellée sont appelées trognes. Leur forme caractéristique résulte d’un mode d’exploitation ancestral consistant en des tailles périodiques spécifiques, permettant de fournir du bois et du fourrage. Bien que cette approche productive issue de l’agriculture ait cessé en Suisse, cette marque de l’homme sur l’arbre a perduré, évoquant à la fois communion et incompréhension entre l’humain et la nature. Porter attention à ces trognes, aller au contact de leurs contours étranges et difformes, c’est se retrouver dans un monde lointain, mais pourtant instinctivement proche de nous. Les trognes, sculptées par la main de l’homme, prennent progressivement forme humaine : est-ce notre anthropocentrisme qui cherche à dialoguer avec la nature, en lui donnant des traits similaires aux nôtres ?

Les poèmes ainsi que l’exposition appréhendent ces trognes en tentant de les « croquer », à la manière des croquis réalisés par les portraitistes, tout en mettant en lumière le soin apporté aux arbres par les hommes et les femmes au fil des générations. Cette attention singulière et renouvelée envers le monde végétal révèle une recherche de liens avec la nature. Lien nourricier, lien d’exploitation, lien de chagrin, ces liens aussi multiples que les ramifications qui naissent à la suite des tailles successives des arbres sont explorés dans l’installation Trognes, qui mêle art pictural, littéraire et sonore. Pour cette dernière partie, une collaboration a été réalisée avec Magali Dubois à travers un enregistrement audio placé dans l’exposition : on y découvre une lecture des poèmes de Xochitl Borel, déclamés au rythme des percussions de Thierry Droz.